« Nous venons des territoires de la relégation sociale, culturelle et ethnique.
Nous sommes de ces territoires de l’étrange et des fantasmes, de ces territoires qui cristallisent tous les « refoulés » d’une France à qui l’on impose la peur.
Nous sommes de ces Quartiers Populaires, bouillons de cultures où ces dernières coexistent, se parlent, se marient quelques fois. Terreaux de mémoires fertiles, lieux de vies multiples, endroits de toutes les luttes, de tous les cris d’espoir, terrains vagues d’émergences et d’innovations malgré les vents contraires.
Nous sommes de ces habitants qui par la création artistique ont décidé de se remettre en scène.
Nous voilà ! Mesdames et Messieurs, compatriotes, frères et sœurs ! Des plateaux de théâtre aux places publiques nous vous présentons nos œuvres. Elles racontent nos mémoires collectives, nos héritages et nos patrimoines communs.
Français d’ici et d’ailleurs, nous réécrivons les pages manquantes de l’Histoire de notre pays. Cette France plurielle dont la diversité culturelle et les vagues migratoires ont construit l’identité singulière, la richesse.
De toutes les périphéries, nous sommes les périphéries et nous marchons vers le centre.
Nous ne sommes pas des victimes mais des résistants. Nous ne sommes pas de sombres spectateurs mais des acteurs éclairés d’un destin commun.
Nous portons aujourd’hui par l’acte artistique le combat pour la dignité et l’égalité des droits. Nous sommes le fruit et les dépositaires des mémoires des immigrations, des mémoires ouvrières, des mémoires des luttes sociales… celles que nous chantons, que nous dansons et que nous rejouons comme des pièces du Répertoire… celles dont nous transmettons la richesse et l’humanité.
Janvier 2006, au lendemain de la révolte des Quartiers Populaires et des discours réactionnaires qui lui répondent, nous, habitants, acteurs et artistes de ces mêmes territoires décidons de porter une parole contraire. Un projet artistique et politique qui aspire à réinscrire dans le récit national toutes les composantes de la société française qui en ont été exclues. Les communautés humaines, dépossédées de leur historicité, laissées aux portes de la communauté nationale.
La Compagnie Mémoires Vives – maquis artistique de résistance à la résignation, molécule antiamnésique, stimuli contre l’oubli – à qui nous avons donné l’objectif de créer et diffuser des œuvres collectives, spectacles vivants pluridisciplinaires, traitant de l’histoire des territoires et des habitants, de l’histoire des immigrations, des mémoires collectives et des héritages communs, de nos rapports à l’altérité. Produites dans le champ des Cultures Urbaines, ces créations sont autant d’espaces, d’instants, de croisements artistiques et culturels, d’expression citoyenne… autant d’actes vecteurs d’émancipation, de renouveau culturel et de transformation sociale.
Artistiquement, notre démarche consacre le métissage, la rencontre positive et constructive des cultures, des esthétiques.
Nos projets mettent en synergie la diversité des formes, croisent les horizons, revisitent et questionnent les traditions, les patrimoines, valorisent les émergences et suscitent la régénérescence des formes. Nos écritures sont celles du réel, celles du ter-ter… du terrain. De cette poésie urbaine dont l’encre est faite du sang des combattants de la liberté, de la sueur des « marcheurs », de la suie des travailleurs du sous-sol et des larmes des mères.
Politiquement, nos créations sont des armes miraculeuses de lutte contre les discriminations, le racisme, la haine et le rejet de l’Autre. »
Yan Gilg, Directeur Artistique